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Sous le rocher

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31 mars 2010

Le ter, la « vraie fausse » alternative ?

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Modifier les modalités de déplacements, changer les habitudes de transport, passer de la voiture au train, voilà une vieille lune qui devrait aujourd’hui être relancée. Entre volonté d’améliorer le fonctionnement du ter en Midi-Pyrénées et orientation des politiques nationales en matière de services publics, les contradictions demeurent et le débat reste entier. Le citoyen doit rester vigilant !

Le conseil régional, à travers le plan rail 2008-2013, investit massivement pour le ter : 820 millions d’euros, dont 500 provenant directement de la Région, constituant l’un des plus importants investissements à l’échelle nationale. De plus, le volontarisme de la Région se marque par l’augmentation du nombre de rames, passé, depuis 2002, de 5 à 10 millions par an. Néanmoins, cet engagement ne doit en rien masquer les questions structurelles que pose actuellement l’évolution du rail.

Un système verrouillé et bloqué

« En cas de retard ou de train annulé, on laisse les gens sur le quai, sans information, à attendre un train qui, peut-être, ne viendra pas. C’est exaspérant ! » Martine Loiseau, présidente de l'association d'usagers pour la promotion et le développement du rail en Midi-Pyrénées, ne stigmatise pas les agents de la sncf : « Désormais, de nombreuses petites gares sont vides, il n’y a plus de cheminots, donc il n’y a plus personne pour nous renseigner ». La réduction programmée et constante des cheminots bloque le système. La période neigeuse l’hiver passé est, à ce titre, emblématique. « Précédemment, on avait des cheminots en astreinte qui devaient faire tourner les machines afin qu’elles ne cassent pas, et faire chauffer les systèmes de freinage. Le train était toujours opérationnel. Aujourd’hui, il n’y a plus cette “réserve” de cheminots et ça bloque. Alors, les retards s’accumulent, les trains restent à quai, le service n’est pas rendu », indique Karim Souadki, conducteur et délégué du personnel Sud rail.

Suite aux nombreux dysfonctionnements de l’hiver, Claude Solard, directeur national des ter à la sncf, ajoute 3,5 millions d’euros aux 1,5 prévus initialement pour l’amélioration du système de maintenance. Julien Lassalle, secrétaire régional du syndicat Sud rail, précise les raisons des retards et suppressions de trains : « La baisse des effectifs des agents de maintenance, l’inadaptation des ateliers de maintenance et, surtout, la gestion en flux tendu de l’approvisionnement des pièces détachées ont conduit au blocage du système. Les 5 millions qui vont arriver sont les bienvenus, mais l’appel à des intérimaires et à des cheminots d’autres régions pour rattraper le retard ne constitue pas une politique durable. »

Demain, la concurrence… 

La Région est désormais l’autorité organisatrice pour les ter. « Si le conseil régional “achète” du rail, dans le cadre du Plan rail, c’est parce qu’il voit arriver la concurrence et qu’il se place comme propriétaire, prêt à louer des voies au meilleur prix, commente Julien Lassalle. Le Plan rail, c’est finalement tout bénéfice pour les entreprises privées. Si Véolia veut faire du ter, il ne prendra que la partie rentable et ce qui ne l’est pas sera abandonné, sachant que les trois quarts des lignes ter sont déficitaires. » L’investissement et la modernisation de 500 km de voies ferrées sur les 1 500 de Midi-Pyrénées sont une aubaine pour la concurrence, car « pendant 25 ans, il n’y aura quasiment pas besoin de faire des travaux d’entretien sur ces voies neuves », ajoute Julien Lassalle. Le risque est de laisser au service public les tronçons les moins rentables, l’incitant, à terme, à les abandonner. Comme tout système technique, les trains, le rail ou les gares sont soumis à l’usure, à la détérioration et la maintenance nécessite du personnel. « Les projets, à peine voilés, d’externalisation des services de maintenance, nous inquiètent terriblement, continue le secrétaire régional. Même avec du neuf, s’il n’y a pas suffisamment d’agents, les trains ne fonctionneront pas. » 

Pour Karim Souadki : « Le découpage de l’entreprise, la sectorisation des activités et la spécialisation des personnels, là où l’on parlait de polyvalence et de poly-compétences, entraînent des blocages multiples. Par exemple, un conducteur de ter ne pourra plus conduire un train grandes lignes, il sera donc plus difficile d’effectuer des remplacements. » Il parle de déshumanisation avec le système « équipement agent seul » dans les ter, où la fréquente suppression de contrôleur constitue une économie pour la sncf. 

La politique nationale de vente à la découpe du service public du train impacte directement les politiques régionales en matière de transport et, par-là même, l’aménagement des territoires. La réduction du personnel ferroviaire par la sncf et l’externalisation des services, ainsi que la volonté de rentabilité liée à l’arrivée prochaine de la concurrence dans le transport ferroviaire risquent de rendre caduques toutes tentatives de réduction de l’utilisation de la voiture.

In Friture n°11, avril 2010

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6 janvier 2010

Ecocert, comme un ver dans la pomme du label Bio

Harcèlement moral, stress, souffrance au travail, des mots que l’on pensait ne pas connaître dans le monde merveilleux du bio. Et pourtant, depuis quelques mois, l’entreprise gersoise de contrôle et de certification bio, Ecocert, est sous les feux des projecteurs.

 

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L’inspection du travail du Gers, après avoir épinglé la holding pour harcèlement moral sur une salariée, fait valoir à deux reprises l’irrecevabilité du licenciement du représentant Cgt, Philippe Hirou, et suggère (sous l’impulsion du Chsct) courant juillet, une enquête sur la souffrance au travail. Depuis cinq ans, onze salariés ont envoyé Ecocert devant le tribunal Prud’homal d’Auch (quatre procès sont en cours).

« Pour le respect de l’homme et de l’environnement »[1], c’est ce que l’on peut lire sur le site de l’entreprise qui se présente comme une référence de la certification Bio dans le monde. Voilà pour la façade !

Ainsi, la souffrance au travail n’est pas l’apanage des grandes entreprises. L’image écolo et un brin insouciante du bio a bien changé. Aujourd’hui, la certification est devenue un marché. La croissance à deux chiffres d’Ecocert, de 15 à 20% par an, affichée fièrement par le Directeur Général du groupe Philippe Thomazo, ancien cadre de Vivendi, ne souffre pas d’ambiguïté : « Ecocert n’est pas une ONG, mais une entreprise privée, et si des gens sont en colère, c’est parce qu’ils avaient une vision trop idéaliste de l’entreprise ». Fi de l’idéalisme donc, et place au réalisme économique et à la loi du marché.

 

Tous les mécanismes en œuvre dans le registre de la souffrance au travail semblent en place et c’est sous couvert d’anonymat que salariés actuels et anciens rendent compte d’un climat plus que délétère.

Le turn-over est un indicateur précieux pour mesurer le bien-être au travail. Philippe Hirou donne le chiffre de 20%, chiffre démenti par la directrice des ressources humaines, Valérie Clech, qui explique qu’il n’y a que 10% de turn-over réel, les 10% restant seraient le fait d’une mobilité choisie des salariés. Depuis le licenciement de trois cadres fin 2008 (affaire toujours aux Prud’hommes aujourd’hui), l’audit sur les risques psychosociaux et les articles dans la presse nationale[2], le turn-over semble avoir diminué.

 

« Les petites mains »

 

Selon Christophe Dejours[3], le manque de reconnaissance et la dévalorisation du travail effrite les piliers de la construction de l’identité, par là même l’armature de la santé mentale, conduisant peu à peu à la souffrance. « À Ecocert, les petites mains ne doivent pas déjeuner avec les cadres, c’est mal vu » indique Valentine[4], ingénieur et « petite main » de la certification. Et d’ajouter que lorsque la question des salaires est posée, le Président Directeur Général, William Vidal, co-fondateur de la société, explique à ses salariés qu’ils ont de la chance de travailler pour Ecocert, et que ce sont eux qui devraient remercier l’entreprise de les employer !

 

Jean évoque la stratégie qui consiste à mettre le travailleur en situation d’échec, afin de lui signifier son incompétence, dans le but de s’en débarrasser. Une parole divergente, un mot jugé trop critique à l’égard de la politique de l’entreprise, et c’est le risque du licenciement. « Fixer des objectifs inatteignables permet non seulement de ne jamais payer les primes, mais aussi de garder en tension les salariés. L’esprit d’équipe ne peut survivre à de telles attaques. Le plaisir dans le travail n’y est plus », précise Jean. Le manque de confiance affiché joue comme autant de coups de poignard et brise peu à peu les défenses de l’individu, altérant durablement l’estime de soi. Les modèles gestionnaires qui définissent les nouvelles formes d’organisation du travail n’intègrent jamais la question de la reconnaissance.

 

Management par la peur

 

Plusieurs personnes évoquent un management par la peur, évidemment difficile à démontrer. Seul le harcèlement moral existe dans l’arsenal législatif. « Les murs ont des oreilles » souligne Jean. Ce que Justine confirme lorsqu’elle parle de flicage et « des yeux de Moscou un peu partout ». Philippe Hirou explique que lors du licenciement de son adjointe[5] et de la responsable Qualité France, il a sollicité la solidarité de tout le personnel. Sans résultat ! On le sait, quand la peur du licenciement est prégnante, malgré un CDI, alors les collectifs explosent et chacun se retrouve seul face à sa souffrance. Il ne reste plus que des gens qui s’observent et se soupçonnent… Peu à peu, les anciens quittent l’entreprise et son climat d’inquiétude permanent. Les recrutements se font alors sur la base de la capacité à la soumission (jeunesse et première expérience). C. Dejours[6] reprend l’analyse d’Hannah Arendt dans Eichmann à Jérusalem pour montrer que les attitudes de soumission au travail se rapprochent des comportement de banalisation du mal, propres aux systèmes d’oppression totalitaire.

 

Philipe Thomazo confirme sans ambages, « le métier s’est beaucoup professionnalisé et est plus exigeant. C’est une entreprise privée qui a vocation à s’agrandir ». Lucide, de préciser qu’il y a bien « un changement culturel qui induit de la casse, mais ici c’est passionnel ». Le décalage n’est pas anodin dans ce type de société. Il est violent, car l’éthique écologiste se trouve heurtée par la nécessité du profit maximum et de la croissance sans fin. Les salariés les plus anciens vivent alors un conflit déontique majeur. Quand les règles de métiers construites collectivement depuis de nombreuses années sont remplacées par les règles du profit, alors le travail ne fait plus sens.

 

Marie confie qu’avant l’arrivée du cabinet chargé de faire l’enquête sur les risques psychosociaux, deux psychologues sont venus dans les locaux de la société pour entendre les difficultés des employés. Seulement deux salariés se sont présentés. Un psychologue libéral de l’Isle-Jourdain aurait confié à Marie qu’il a tellement de patients provenant d’Ecocert qu’il doit jongler dans ses rendez-vous pour éviter que ceux-ci ne se croisent…

 

Si le secteur d’activité bio véhicule, lui aussi la problématique actuelle de la souffrance au travail, du fait de sa quête de maximisation des profits, on peut par ailleurs se poser la question de savoir pourquoi la certification n’est pas le fait d’entreprises publiques, au simple motif que ce secteur rend compte d’un projet économique et politique d’avenir.

 

Sous couvert de certification bio, doit-on s’exonérer de penser le travail comme un lieu d’enrichissement, de réalisation de soi, comme une promesse d’avenir ? Parce qu’il faut produire bio, se parfumer bio, faire des jardins publics bio, doit-on accepter des rapports humains qui détruisent les individus.

 

Non, décidément, dans la certification bio, le bonheur n’est plus dans le pré…

Ecocert est une holding de près de 500 salariés (dont 200 en France), divisée en quatre sociétés (Ecocert international, Ecocert France, Ecopass et Ecocert Cosmetics), dont le siège est à L’Isle-Jourdain, dans le Gers. Son activité de certification s’est élargie depuis sa création en 1991 ; en plus des produits agricoles et alimentaires, l’entreprise labellise Bio, les textiles, les espaces verts et les produits cosmétiques. La holding effectue les contrôles de 70% des entreprises (production et transformation) du secteur bio en France et 30% dans le monde Ecocert est accréditée par le Comité français d’accréditation (Cofrac), organisme indépendant et agrée par l’Institut national de l'origine et de la qualité (Inao) qui émane du ministère de l’Agriculture.

 

(A lire dans le n° 10 de Friture, janvier 2010)


[1] www.ecocert.fr

[2] Politis, mars 2009 ; Que choisir, juin 2009 ; Le canard enchaîné, juillet 2009

[3] Christophe Dejours, professeur titulaire de la chaire psychanalyse-santé-travail au Conservatoire national des arts et métiers, coauteur du livre Suicide et travail : que faire ? aux éditions PUF, 2009.

[4] Tous les prénoms ont été changés.

[5] « Collectif ECOCERT », http://collectifecocert.blogspot.com/

[6] Christophe Dejours, Souffrance en France. La banalisation de l’injustice sociale. Ed. du Seuil, 1998

23 septembre 2009

Une ergonomie politique, pour un socialisme du XXIème siècle

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Née d’une conception politique du travail, l’ergonomie francophone s’est peu à peu affranchie de ses ambitions de transformations sociales, pour devenir, au même titre que les économistes, informaticiens et autres intervenants en entreprises, un conseiller du prince.

Lorsque Alain Wisner, un des pères de l’ergonomie française, dans les années 1950, intervient pour la première fois à la SNCF, c’est pour faire la démonstration de la pénibilité du travail des roulants. La Direction refusant catégoriquement toute intervention extérieure, les syndicats firent alors appel clandestinement à ce médecin qui se considérait déjà comme un « ergonomiste ».

L’ergonomie était donc bien politique. Néanmoins, pour se développer, construire son corpus, élaborer ses méthodes, élargir son champ d’action, il fallut qu’elle abandonnât toute marque idéologique. Pourtant, durant de nombreuses années, au sein du CNAM à Paris, étudiants, travailleurs, syndicalistes, médecins, ingénieurs, vinrent étudier dans l’idée, un jour, de transformer le travail. Beaucoup étaient des militants, beaucoup rêvaient d’une transformation plus radicale dans la division du travail, quelques-uns parlaient même de révolution…

Mais, la réalité des rapports de force dans l’entreprise, des cabinets-conseil, des budgets alloués à la recherche firent de l’ergonomie une servante du système, comme les autres sciences.

Aujourd’hui, cette science du travail doit devenir une science politique, engagée dans l’action et dans un projet de société. Aujourd’hui, alors que les médias découvrent les effets sociaux du travail, (suicides, accidents, maladies professionnelles), l’ergonomie doit porter un discours de transformation de la société, parce que le travail est au cœur de la société et qu’il est aussi un des constituants identitaires de chacun d’entre nous.

C’est pour cela, qu’il faut défendre l’idée d’une « ergonomie politique » au service du socialisme du XXIème siècle. La crise actuelle du capitalisme est une opportunité pour proposer de nouveaux outils de gestion de production, d’organisation du travail, de démocratie ouvrière et de choix industriels.

C’est donc dans cette arène que la révolution peut s’initier et que nous devons agir.

L’ergonomie est un formidable outil d’analyse et de compréhension de l’activité des travailleurs et du système de travail plus large. L’analyse fine et détaillée du geste de l’ouvrier jusqu'à ses modalités de prise de décision, en passant par les collaborations avec ses camarades, permet une lecture du travail qui dépasse de loin le simple descriptif des actions, pour mettre en lumière les savoir-faire, les gestes de métier, les tours de main, les affects au poste, bref, l’intelligence ouvrière. C’est redécouvrir ce que les Grecs anciens nommaient la Métis, l’intelligence rusée, permettant de s’affranchir des difficultés par ruse, par adaptation à la situation. L’ergonomie permet non seulement la compréhension du travail, elle œuvre aussi depuis un demi-siècle pour la régulation du système de production. Aujourd’hui son expertise doit servir les travailleurs et non plus les patrons.

L’ergonomie politique, dans le cadre de la construction d’un nouveau modèle de production socialiste, donne la priorité à l’humanisation du travail, sur la base de l’être humain comme moteur des processus productifs. Il n’est alors plus possible de penser le travail humain sans penser, afin de les transformer, les éléments qui constituent le modèle productif dominant (le capitaliste) : division du travail, processus de décision pyramidal, système de pouvoir violent, modalités de gestion qui priorisent la productivité sur la santé et relations sociales qui provoquent la souffrance.

L’analyse ergonomique du travail permet, pour chacun de ces points, d’apporter des réponses circonstanciées :

L’analyse ergonomique permet de vérifier que la division du travail, loin d’être source de performance est d’abord source de souffrance, d’inefficacité et de manque de sens (les suicides dans les lieux de travail en sont les manifestations les plus visibles et les plus dramatiques). Mettre en évidence les savoir-faire ouvriers, restituer aux travailleurs la part de leur connaissance sur le travail, rendre lisible les actions masquées et pourtant nécessaires, représente une première étape pour l’émancipation. Les interdits dans le travail sont souvent l’expression de la capacité d’adaptation des travailleurs, des coopérations nécessaires et des collectifs de travail dissimulés. Cette mise à plat permet, et c’est un danger pour le capitalisme, de s’affranchir de la division du travail, où il y a ceux qui savent d’un côté et ceux qui ne font qu’exécuter. L’analyse du travail fait la démonstration que cette division n’est pas fondée pour la réalisation effective de la production.

Les décisions de production n’appartiennent que rarement aux travailleurs. Pourtant lorsque l’on observe précisément la manière de fonctionner des ouvriers, on se rend compte qu’une multitude de décisions sont prises en permanence par chacun. Ils décident, indépendamment de toutes prescriptions, de modifier, d’améliorer, de réguler le système technique, sans en informer leur supérieur hiérarchique. Et ce sont ces décisions méconnues par l’encadrement qui rendent le système productif performant, bien plus que les méthodes de management.

Forts de leurs connaissances sur le système de production, les travailleurs sont en mesure de déterminer le compromis pertinent entre productivité et santé et de redéfinir, selon les bases d’une démocratie ouvrière réelle, les modalités de gestion de production. Ce compromis est la combinaison de multiples facteurs : savoir-faire, expérience, marges de manœuvre disponibles, système technique, choix de production.

Si l’on pense le travail avant de concevoir un espace de travail, une usine, une chaine de production, alors, pourquoi ne penserait-on pas les modalités mêmes du travail. Si dès la conception nous posons la question de l’organisation du travail, alors on interroge directement le sens même de ce que signifie pour chacun de travailler.

Finalement, l’idée de l’ergonomie politique consiste à utiliser les méthodes et connaissances de l’ergonomie dans un dessein politique, pour émanciper les travailleurs et donner un nouveau sens au travail.

14 juin 2009

Quand les Molex font leur révolution

imagesÉcouter l'émission "dans l'actualité" sur les Molex

Caterpilar, Continental, Freescale, Molex… La liste est longue des usines qui ferment et des salariés jetés au chômage. Face à ces tragédies humaines, les travailleurs élaborent des alternatives, des réponses loin des schémas traditionnels. La fermeture de nombreux sites n’est plus une fatalité, dès lors que les solidarités s’organisent et que citoyens et travailleurs changent les règles du jeu…

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Un village d’irréductibles

À Villemur-Sur-Tarn, les « Molex », comme on les appelle désormais, bousculent les rouages du système capitaliste et de la spéculation boursière : ils refusent de lâcher leur outil de travail. La direction nord américaine du groupe Molex ne comprend pas la résistance de ces irréductibles Gaulois. Blocage de l’usine, Direction retenue pendant 26 heures, médiatisation du conflit, renvoie devant les tribunaux. Les 283 salariés et les quelques 20 autres intérimaires (qu’on oublie bien souvent), jouent le bras de fer avec tout un système, bien au-delà d’un simple groupe industriel.
Le cabinet d’expertise Syndex a rendu son rapport le 15 mai, il est accablant… pour la direction. La conclusion est sans équivoque : le site de Villemur est non seulement viable, mais en plus, il est un des plus performants du groupe et la « sauvegarde de compétitivité » justifiée par la direction pour fermer n’est basée sur aucun élément chiffré. En fait, la stratégie financière prime sur la stratégie industrielle, et après avoir acquis les brevets et les savoir-faire, pour les délocaliser en Chine et Slovaquie, l’entreprise américaine cherche à rapatrier une part de sa production sur son propre territoire.

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Une fermeture illégitime
Le 19 mai 2009, le tribunal de Grande Instance de Toulouse suspend le plan de licenciements au motif que la direction de Molex a bafoué la loi française depuis octobre 2008. Le comité d’établissement n’a pas été correctement informé et la direction a fait secrètement cloné les moules de fabrication pour produire « en douce » aux États-Unis.
Le site de Villemur-Sur-Tarn est le deuxième fournisseur de PSA en matière de connectique automobile. Il est un des plus performants en termes de productivité et de qualité (n°1 en Europe). Il réalise 1,2 millions d'euros de bénéfice en 2008… Molex Inc. dont l’actionnariat est constitué à 57% de banques et investisseurs financiers américains, a racheté l'entreprise Connecteur Cinch au groupe SNECMA (qui était une entreprise d'État à l'époque - actuel SAFRAN) en 2004 pour doubler ses parts de marché en Europe. 4 ans plus tard, ils décident de fermer en octobre 2009 le seul site restant de l'ex Connecteur Cinch, celui de Villemur-Sur-Tarn.
Affaire à suivre…

Expropriation des actionnaires
La décision de justice gelant la restructuration de Molex permet aux travailleurs d’envisager d’autres pistes, et notamment l’idée de l’expropriation des actionnaires et de la cession des immobilisations matérielles (maintien de l’outil de travail). Guy Pavant, délégué syndical CGT, refuse la mise en concurrence avec les ouvriers américains, chinois ou slovaques, mais rappelle sa philosophie : « on vend au plus près de là où on produit ; on produit là où on vend ». D’ailleurs, Peugeot et Renault, entreprises ayant bénéficié de l’aide de l’Etat à hauteur de 6 milliards d’euros, représentent les deux tiers des ventes de Molex. Comme l’indique le rapport d’expertise : « l’hypothèse d’une réaffectation à Villemur de la moitié des commandes de ces deux constructeurs en Europe (en lieu et place des production délocalisées aux Etats-Unis et en Chine telles que le prévoit le projet de restructuration) suffirait à réunir les conditions économiques garantissant la pérennité des emplois à Villemur ».
Également, la question des droits à produire, et notamment l’utilisation des brevets, pendant une période à définir, est aussi une question déterminante qui ouvre une brèche dans le paradigme inamovible de la sacro-sainte propriété privée.

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Un partenariat inédit
La solidarité s’organise aussi au sein de l’Université publique. Chercheurs et Ingénieurs des Universités de Paul Sabatier et du Mirail de Toulouse, se sont proposés pour remplacer les services Recherche et Développement, bureau d’étude et bureau de commercialisation à une échéance de deux ans. Le savoir-faire local sur la connectique, les matériaux utilisés dans l’industrie automobile, les nouvelles technologies sont maîtrisés à l’Université Paul Sabatier, les réflexions sur le plan économique sont nombreuses au Mirail. De plus, la diversification des activités de l’usine de Villemur peut s’opérer dans l’industrie aéronautique et ferroviaire. Rien n’interdit non plus d’interroger la place du travail dans la réflexion, et notamment la place de la décision de tous les travailleurs dans les choix stratégiques, industriels et d’investissement.
Ce nouveau partenariat est en soit révolutionnaire, il est aussi le premier à se structurer ainsi en France. Il n’est pas simplement technique et scientifique, il est aussi politique et renvoie à une nouvelle conception de l’économie et du droit au travail…

Pour en savoir plus sur la situation : http://molex.unblog.fr/

8 juin 2009

Marc Jourdan, « le psy qui traîne »

Pierre Bourdieu considérait la sociologie comme un sport de combat. Pour Marc Jourdan, le qualificatif convient aussi à la psychologie. À ceci près, qu’il ne s’agit pas là d’une métaphore. Deux fois champion de France de boxe française, « le psy qui traîne » siège sur le ring. Et comme le boxeur, il ne s’échappe pas dans le face à face, il fait front, il embrasse, il étreint l’autre et sait aussi le tenir à distance, le bousculer, le combattre dans sa névrose, dans sa souffrance.

Marc Jourdan est psychologue clinicien depuis 1995 au sein de l’association « Partage » dans le quartier de la Faourette, à Toulouse. Et depuis quelques années, il a mis en place le dispositif du « psy qui traîne ».

Quand on arrive dans sa tanière, il n’est pas encore là. Absent, et pourtant si présent. Patricia s’occupe de l’accueil, elle garde sagement l’entrée de cette maison des chômeurs. 12h30, il n’est toujours pas là. Pourtant, ça grouille de vie, d’histoire, ça sent le partage, ça rigole de tout, de rien, ça se raconte la journée d’hier, celle de demain. Chacun semble l’attendre….
12h45, Marc Jourdan prend place autour de la table commune. Chaque personne peut devenir un patient, c’est à chacun de le décider. Parfois, ils ne se disent rien. Ce n’est pas le moment. Parfois, une jeune fille tente une approche. Elle souhaite parler de son manque d’appétit, de ces moments où elle se fait vomir… La jeune fille regarde son assiette vide et ce drôle de psy en face, qui mange goulûment comme si de rien n’était. Juste des regards qui s’échangent. Elle viendra le voir plus tard.
Marc Jourdan est là, toujours présent, jamais envahissant. C’est ça la grande idée ; traîner auprès des gens, manger, boire un café, parler de tout et de rien, et laisser venir. Étrangement, l’agenda se remplit. Réfractaires à la psy, aux mots du moi, aux maux du ça, les habitants du quartier viennent peu à peu livrer, dans une convocation singulière, tout ce qu’ils gardaient jusque-là prisonnier en eux.

« Le psy qui traîne » joue le corps à corps. Il s’autorise ceux que d’autres professionnels refusent. Il quitte sa place d’exception, la blouse blanche du psy, du sachant, pour oser se mettre en danger.

Car là est bien sa singularité. Marc Jourdan n’est pas un psy comme les autres. Il se livre dans l’échange, accepte la proximité, jusqu’au corps à corps réel lors de ses ateliers. Comme l’ensemble des participants, il va adopter parfois des postures de régression. « Je participe avec les gens aux ateliers cliniques sur le corps. Je parle, je dis ce que ça me fait, ce que je ressens, alors les paroles se débloquent ». Parfois décrié par ses collègues psychologues pour ses méthodes peu orthodoxes, Marc Jourdan s’appuie aussi sur Lacan, Winnicott ou Freud.

Le thérapeute n’est rien sans l’homme. Marc Jourdan a 60 ans, une stature qui en impose avec ses 1,85 m. Ses cheveux épais, poivre et sel, lui confèrent un air de sagesse. Les yeux verts pétillent encore et toujours. Ils s’animent lorsqu’il raconte son parcours pour le moins chaotique.

Élève de lycée turbulent et peu enclin aux études, il redouble trois classes, signe évident du mauvais élève. Heureusement, mai 68 passe par là, et grâce au sport et à l’indulgence du jury, il obtient son bac à 21 ans.
« Il fallait que je quitte Paris ». C’est l’agriculture qui lui tend les bras, ou plutôt, c’est lui qui lui offre les siens. Pendant 15 ans, dans le massif central, près d’Aurillac, il produira du fromage de chèvre. Attention, ce n’est pas le côté baba-cool qui l’a emmené vers cette activité, c’est la nature, la grandeur des collines et des forêts, l’abrupt des reliefs. Car ce que Marc Jourdan recherche c’est la quête du beau, c’est l’art. Tout en fabriquant son fromage, il se consacre à sa vraie passion : la photo. « Sûrement, mon vrai métier » dit-il avec pudeur.

À l’instar des artistes majeurs, Marc Jourdan photographie jusqu’à l’obsession, jusqu’à la limite. Les écorces des platanes de Paris sont autant de rorschach, les feuillages, une peinture d’ombres et de lumières, transparence de l’âme…
Dans ses montagnes du cantal, il fixe sur la pellicule les châtaigneraies, jusqu’à épuisement. « Pendant une année, j’ai photographié la forêt au crépuscule, à la limite de la disparition de la lumière, à la limite de la disparition de la forêt, finalement, à la limite de la disparition de moi-même… ». Et de rajouter, en levant ses yeux clairs : « un tout petit peu plus et on bascule, il n’y a plus de lumière, plus d’image, plus de photographe ».

Marc Jourdan, le « psy qui traîne », est ainsi ; artiste fragile, thérapeute singulier, boxeur au grand cœur, photographe de l’absolu, un homme peut être...

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24 mai 2009

Un étrange métier de corps

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Le 18 mars 2003, Sarkozy, alors ministre de l'intérieur faisait passer la Loi de sécurité intérieure qui fit du racolage passif un délit. En 2005, Sarkozy était déjà en campagne, il jouait toujours à nous faire peur.
En 2005, grâce à l'association Grisélidis de Toulouse, je pus prendre contact avec une femme qui exerçait un "métier de corps", comme elle le nommait. Rachel, exerçait ce métier depuis 20 ans et dans un bar toulousain me livrait un peu de sa vie, un peu de son intimité.

4 mai 2009

Gronde la rue...

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1er mai 2009, les rues de nos villes, une fois encore se sont remplies, une fois encore, le silence assourdissant de notre gouvernement, de son omniprésident, résonne comme autant d'insultes. Les Molex étaient en tête de cortège à Toulouse, suivis par des nouveaux sur ce terrain-là : les Freescales, anciens Motorola, et déjà futurs chômeurs.

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Olivier Besancenot et Myriam Martin, au nom du NPA, quelques jours auparavant venait soutenir les salariés de Molex, à Villemur-sur-Tarn, juste après une autre insulte, celle de leur directeur, Marcus Kerriou, qui s'est fendu de la déclaration suivante : "tout est piloté de l’extérieur car il y a un décalage entre le professionnalisme avec lequel est géré la communication et le niveau intellectuel de certains salariés". Depuis que la droite s'est décomplexée, les patrons ne se gênent plus...

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Parfois, on se demande comment la non-violence fait pour tenir le coup, face à la violence d'un gouvernement qui brade les services publics et qui arrose ses clients du MEDEF. Comment les travailleurs qui se retrouvent au chômage, parce que l'entreprise dans laquelle ils travaillent rappatrie sa production ou "externalise" ses services, histoire de faire des bénéfices plus importants, retiennent que quelques heures leurs dirigeants, alors que c'est leur vie qui est brisée ?

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Comment face à la violence d'un système économique à l'agonie, les salariés et les citoyens conservent encore leur calme ?

La question est peut-être jusqu'à quand ?

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25 avril 2009

Serge le boulanger

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Autour « du fournil du Pinson », se joue une fable singulière qui pourrait s’intituler «le blé, la farine et le boulanger». Chaque vendredi, dans sa ferme toulousaine, Serge pétrit à la main, façonne et vend son pain. A la belle saison, ses copains agriculteurs viennent chez lui vendre leurs productions, dans l’esprit des AMAP. Et quand le soleil commence à décliner, clients et amis reviennent pour partager le repas, juste avant que ne commence le spectacle. Car, l’association fait venir des artistes mondialement inconnus. Des musiciens chanteurs à vocalises sans fin, des conteurs d’histoires surnaturelles et épouvantablement délicates, des jongleurs à nez rouge, des amuseurs pour public avisé, des danseurs unijambistes ou des comédiens magiciens. Le pain n’est que prétexte pour la rencontre et la rêverie. Le pain n’est que le lien entre les gens… et ça marche.

18 avril 2009

Le stigmate de pute

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Un gars, c’est un jeune homme,
Une garce, c’est une pute.
Un courtisan, c’est un proche du roi,
Une courtisane, c’est une pute.
Un masseur, c’est un kinésithérapeute,
Une masseuse, c’est une pute.
Un coureur, c’est un joggeur,
Une coureuse, c’est une pute…
Il y en a comme ça une pleine page. Tirés de « langue de pute, ou les subtilités de la langue française », ces quelques vers sont publiés par le Planning familial, qui a ainsi voulu montrer combien les mots étaient porteurs de préjugés, et finalement, renvoyaient à la représentation de la femme dans notre société.

A Toulouse, plusieurs associations travaillent auprès des prostitué-e-s, filles, garçons ou transexuels. Elles les écoutent, les aident et parfois les défendent dans des affaires de justice, notamment depuis que la loi Sarkozy sur le racolage passif fait de ces personnes des délinquants en puissance.
Isabelle est salariée de l’association Grisélidis. Son discours n’est pas lisse, ni même consensuel. Fustigeant les « putophobes » de tous ordres, autant que les apôtres des maisons closes, elle construit son argumentation avec précision. On sent chez cette femme une détermination sans faille. Les mots sont distillés pour faire mouche, les armes sont affûtées pour le combat, à l’instar de la marraine de l’association. Dans les années soixante dix, Grisélidis Réal, « courtisane » et écrivain à succès, occupait les églises et manifestait dans les rues pour la défense des prostitué-e-s. Grisélidis Réal est décédée en mai 2005. Aujourd’hui, Isabelle suit le même chemin et part en guerre contre les préjugés, contre le stigmate de pute.
Le mot est lâché comme un missile. Il touche son but. A la question « quelle formation est nécessaire pour travailler dans votre association ? », la réponse fuse sans virgule « je suis prostituée de formation ». Et là, tout se joue dans le regard, dans le plissement nerveux de la commissure des lèvres. Le stigmate de pute s’affiche en miroir sur le visage interloqué du journaliste. Et Isabelle d’enchainer immédiatement « le stigmate de pute, c’est quand on s’étonne que votre expérience de prostituée ne puisse pas être considérée comme une véritable expérience. Le stigmate de pute, c’est ce regard surpris, ce sourire gêné ». Balle au centre !

Pour lutter contre cette stigmatisation, Isabelle assume son ancienne activité, sans tabou. Après tout, pourquoi avoir honte d’une activité imposée au titre des « bénéfices non commerciaux » par le Ministère des finances. Isabelle ne veut nier en aucun cas ce travail, même pas quand elle décide de passer à autre chose. C’est à Toulouse auprès du CIDF qu’elle se présente comme prostituée en activité, cherchant à  se reconvertir. « On veut absolument que les prostituées se réinsèrent, comme si on était en dehors de la société. Je préfère parler de reconversion professionnelle. Mes collègues, souvent, taisent leur activité. Elles se retrouvent alors comme des pièces de puzzle disloquées, obligées de bricoler avec une fausse histoire. Certaines ne disent même pas à leur gynécologue qu’elles sont prostituées ».
Pour cette femme de conviction, le « métier » de prostituée renvoie à des compétences. « On imagine la prostituée en train d’écarter les jambes, d’absorber une prétendue misère sexuelle des clients… on ne croit pas qu’elle développe des compétences commerciales, psychologiques, d’écoute et de gestion des conflits. En fait, les prostituées sont bien plus normales que ce que l’on imagine ». Isabelle avoue en être au début de sa réflexion, mais déjà elle sent bien que la personne ne peut exister en tant que sujet, que dans l’acceptation de son histoire singulière.

Le stigmate de pute est bien plus qu’une haine ordinaire.  « Le stigmate de pute est un fouet qui sert à battre toutes les femmes et à les remettre au pas ». La prostitution est en effet généralement pensée au féminin, et dans une société patriarcale, la femme doit rester à sa place. Isabelle va plus loin encore : « la putophobie est le dernier rempart pour ne pas aborder le vieux tabou de le femme et du sexe. En effet, ce qui est insupportable dans notre société, c’est que la femme puisse choisir sa sexualité. Ce que les gens ne peuvent admettre, c’est que la prostituée choisit son client et l’homme avec lequel elle monte. Et surtout, elle ne s’implique pas dans l’acte sexuel. Pour elle, il n’est pas besoin de passer par la case sentiment. Le vagin sert, sans le cœur ! ».


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Grisélidis Réal (1929-2005)

Née à Lausanne en 1929, Grisélidis Réal a passé son enfance en Égypte et en Grèce. Après la mort de son père, alors qu’elle a huit ans, Grisélidis revient à Lausanne. Entreprenant des études à l’École des arts décoratifs de Zurich, elle tente de vivre comme artiste-peintre. Divorcée, mère de quatre enfants, elle commence à se prostituer en Allemagne pour survivre, au début des années 60, avant de devenir, la décennie suivante, une « catin révolutionnaire » très active dans les mouvements de prostituées lyonnaises et parisiennes, qui émergèrent au milieu des années 70. Co-fondatrice d’un Centre international de documentation sur la prostitution et d’une association genevoise d’aide aux prostituées (ASPASIE), elle a participé à de nombreux colloques ou manifestations sur le sujet. Elle est morte en mai 2005 à la suite d’un cancer.
Grisélidis Réal est l’auteur de Carnet de bal d’une courtisane et du roman autobiographique Le noir est une couleur (Balland, 1974 ; Verticales, 2004). La passe imaginaire, correspondance de Grisélidis Réal avec Jean-Luc Hennig, a paru chez Manya en 1992, puis en Presses-Pocket (1993, épuisé). Il sort chez Verticales avec le second volume inédit des lettres de Grisélidis Réal à Jean-Luc Hennig, Les sphinx.


10 avril 2009

Rwanda, il y a 15 ans, le génocide

Portrait croisé de deux femmes rwandaises

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Balbine et Marie-Chantal sont rwandaises. L'une est Hutu, l'autre Tutsi. Toutes deux sont sur les routes de l'exil. Récit d'un génocide, espoir d'une nouvelle vie...

Il y a quelques années, j'avais réalisé ce petit reportage à Moissac, dans le Tarn-et-Garonne, dans un lieu qui accueille les demandeurs d'asile. Le hasard avait voulu que je rencontre ces deux femmes rwandaises, une Hutu, l'autre Tutsi, deux femmes, une seule souffrance. Chacune tenait l'enfant de l'autre sur ses genoux, naturellement. Pour ne pas parler de races, les européens ont trouvé plus propre d'inventer des ethnies qui se seraient fait la guerre depuis des millénaires. Il était ainsi plus aisé d'expliquer pourquoi les Hutus détestaient les Tutsis, à moins que ce ne soit l'inverse. Aussi, au temps "bêni des colonies", comme le chantait un pauvre type, la France a su utilement jouer un groupe contre un autre et inventer un racisme etnique bien pratique.

A leurs manières, Balbine et Marie-Chantal invalide la thèse ethnique pour ne retenir que le massacre, que l'injustice et que la manipulation. Chacune fuyant la mort, dans un instinct de survie qui les a amené jusqu'en France, terre d'accueil, terre d'asile. Jusqu'à quand...?

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Sous le rocher
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