La ticcaticatictactic du gendarme…
Tranquilles ou presque, le nez au
vent, pas encore de mise à cette heure matinale, deux voyageurs joyeux se
présentent fièrement au portique de sortie de la station de métro « la
bandera ». Un voyage prévu pour Mérida, la ville vénézuélienne des Andes.
Mérida la festive, Mérida l’historique. Déjà l’inquiétude est de mise, car en
ces périodes de fête de noël, tous les vénézuéliens voyagent. La population de
Caracas se vide en quelques jours. Les vacances sont ici synonymes de
retrouvailles familiales. Caracas est une ville provinciale, comme Paris, elle
est peuplée pour l’essentiel des habitants issus de tout le pays, de l’Orient,
de l’Occident, des Andes, des Llanos… Caracas a explosé ces 40 dernières
années, comme nombres de capitales des pays en développement. Le mirage de la
capitale et d’une vie meilleure. Conséquence : 70 à 80% de la population
vit dans les barrios.
Quelques 10 minutes de marche
séparent la station de métro du terminal de bus de la « Bandera ». Le
quartier n’est pas sûr, adossé aux barrios, c’est une fourmilière inquiétante
qui s’agite. Une foule grouillante se bouscule en journée. De nuit, il vaut
mieux ne pas s’y aventurer, conseils de vénézuéliens. La foule est une
assurance vie, elle permet de s’y fondre. Mais pour nos deux français, le
contraste est marqué. Le sac à dos est repérable de loin, les visages sont
pâles, le look différent. La démarche est pourtant vive, le pas faussement
assuré, le regard droit, déterminé. A cent mètres du terminal, une
station essence, puis une rampe d’accès piétons permet d’arriver jusqu’à l’entrée
du terminal. La foule est plus dense encore, les chauffeurs de taxis hurlent le
nom des villes, d’autres invitent le voyageurs à remplir un bus qu’on a peine à
imaginer incomplet. Certains proposent des billets vendus au noir, vingt
pourcent plus cher. D’autres, des boissons, des cigarettes, des appels
téléphoniques à prix réduits… La société du travail informel se retrouve ici,
car ici, c’est le lieu des arrivées et des départs, c’est le lieu de la
fragilité et des bonnes affaires…
Bonnes affaires…
De loin, un regard shoote celui
de nos deux voyageurs. De loin, l’évidence, merde ! De loin, la cible est
repéré, les lapins sont dans la lunette des chasseurs, le gibier est là.
Inutile de fuir, les issues sont bouchées. La police métropolitaine de
Caracas veille. Les deux touristes sont arrêtés, pour un contrôle d’identité de
routine. Les visages se figent, les regards se font plus durs. Une main sur le
révolver, l’autre pointant du doigt le voyageur suspect. Qu’y-a-t-il ?
Qu’ont-ils fait ? Français et déjà suspects. Étrange sensation ; se sentir
suspect, sans avoir rien fait. Et le parallèle se fait bien vite avec les beurs
de nos quartiers. Suspects par nature, pour faciès non-conformes.
Quatre hommes
et une femme. Tous, armes au poing et gilet pare-balles. Le fourgon est adossé
au mur, à peine l’espace pour se faufiler à l’intérieur, sans visibilité pour les
passants. Celui qui semble être le chef
invite fermement le garçon à pénétrer dans le fourgon. Pourquoi ? Les
papiers ne sont-il pas en règles ? Pas de réponse, la main se crispe plus
visiblement sur la crosse du révolver, la tension se fait plus prégnante. La
petite française commence à s’inquiéter, à prendre peur. Une semaine dans ce
pays et la crainte est de plus en plus présente. On ne s’habitue pas à ce
sentiment d’insécurité en quelques jours. S’y habitue-t-on d’ailleurs ?
« Monte,
monte ! ». Le garçon monte, la fille reste avec la gendarmette (même
si les gendarmes n’existent pas au Venezuela, c’est tellement plus amusant de les
imaginer en gendarmes de Saint-Tropez !).
Les poches sont vidées, la
ceinture, qui sert de cachette pour les liasses de billets, vite découverte.
Toujours la main sur le révolver, les deux policiers se montrent plus fermes,
plus menaçants. Des allusions à la drogue sont adressés au français, qui sourit
nerveusement et nie toute consommation de substance illicite. Un des policiers
ordonne de se déshabiller. Interrogation. Le policier sort son révolver et le
pointe sur les côtes du français, qui vient à cet instant de perdre son sourire
de circonstance. La petite française ne voit pas la scène, attend nerveusement
en grillant une cigarette, celle du condamné, à l’évidence. Le révolver appui
plus fortement sur les côtes de garçon, le pantalon tombe. Ce n’est pas
suffisant, toujours plus menaçant le policier insiste pour que le slip soit lui
aussi descendu. Humiliation, provocation, stratégie peut-être. A cet instant, la française,
inquiète et apeurée, a passé sa tête par l’entrebâillement de la porte et vu
deux fesses blanches. La policière l’a vite rappelé à l’ordre. Quelques
secondes. Le révolver est remis dans son étui. Les sourires des policiers
indiquent la fin de la fouille au corps. Il faut tout ranger désormais, les
affaires sortis du sac, remettre la ceinture et le pantalon. Puis, c’est au
tour de la fille d’être plus sommairement fouillée. Heureusement, la fliquette
ne la déshabille pas. Rien d’illicite. Les deux français quittent le fourgon et
sur des encouragements au bon voyage, gagnent le terminal de bus. Plus de
frayeur que de mal. Juste l’équivalent de 150 euros volés pendant cette
« vérification » par la police de Caracas. Bien sur, nos deux
voyageurs ne s’en rendent compte que plus tard, les policiers avaient pris soin
de ne pas tout prendre, juste la moitié… Belle attention !
La Tactique Du Gendarme
envoyé par pierre1915