L’armée de l’ombre
Pour l’heure, ils sont peu nombreux ; 80 000, dans un pays qui comptent plus de 26 millions d’habitants, dont 14 millions environ sont des travailleurs déclarés. Quelques milliers qui constituent cette armée en marche, cette force, poussée par une envie chaque jour plus forte, par une détermination sans faille. Soldats de l’ombre, ils envahissent peu à peu tous les lieux de travail, toutes les entreprises, publiques, privées. Ils s’affichent avec conviction comme un rempart, comme une force d’opposition, comme une tempête en devenir.
14 millions de travailleurs et jusque là, aucune politique
de prévention des risques, aucun intérêt pour la santé au travail, pour
Et puis, peu à peu, depuis deux ans à peine, une armée s’est
levée, une armée de travailleurs, une armée de délégués de prévention. C’est
leur nom : délégués de prévention. Il faut les nommer, comme on nomme tous
les guerriers de
Et les délégués de prévention sont des combattants de
Le gouvernement de ce pays a permis que cette armée se lève. La loi, écrite par les travailleurs eux-mêmes, la « Lopcymat », comme ils se plaisent à le dire, la « Ley orgánica de prevención, condiciones y medio ambiente de trabajo », organise depuis le 26 juillet 2006 tout ce qui concerne les conditions de travail de ce pays. Cette loi marque une avancée considérable dans tout ce qui touche à la question du travail. Elle crée, en autre, la fonction de délégué de prévention et précise ses missions. Le Ministère du travail et de la sécurité sociale a crée en 2002 l’INPSASEL (Instituto Nacional de Prevencion, Salud y Seguridad Laboral) pour organiser la sécurité et la prévention au travail.
Dans ce cadre institutionnel, les délégués de prévention se
forment à l’analyse des conditions de travail, selon la méthode dite
« modelo obrero venezolano », une méthode qui permet de rassembler le
plus d’informations possibles au sein de l’entreprise, à partir d’un
questionnaire réalisé auprès de tous les salariés, secteur par secteur. Ce sont
les délégués de prévention, véritable veilleur de la bonne application de la
loi en matière de prévention des risques au travail, qui animent les réunions
et expliquent chacun des points aux autres travailleurs. La loi, comme pour les
représentants syndicaux, les protègent d’éventuelles sanctions à leur encontre,
eu égard à leur mission préventive. A ce jour, sur les 80 000 délégués
élus, pour deux ans et demi, seulement 10 000 sont formés. L’INPSASEL
prévoit d’en former 300 000 dans les deux ans. Une course contre
L’espoir est permis, car l’idée de cette révolution est de considérer l’intelligence ouvrière au même titre que celle des plus gradés. Du coup, les travailleurs peuvent parler de leur travail, de leurs difficultés et proposer des réponses. Bien sûr, ne soyons pas angéliques, ils ne possèdent pas toutes les réponses et bien sûr, sur certains aménagements, il faudra bien aller chercher les compétences techniques qui manquent… mais où aller les chercher ? Cette approche, n’est certainement pas exclusive, et d’autres devraient peu à peu émerger. Elle a au moins l’avantage de traiter l’urgence, de prendre place au sein de l’entreprise et de parler enfin de la condition ouvrière, avec force.
Une armée est en marche…
Plus le pays se dotera de ces guerriers qui luttent contre le travail indécent et meurtrier, et plus il sera possible d’avancer vers le socialisme.